Dunkerque en fête
lundi 15.02.2010, 05:03 - La Voix du Nord
Nombre de carnavaleux ont depuis longtemps oublié la bande, certains en ont même fait leur spécialité. Leur sport favori : suivre la bande sans jamais y entrer. Pour cela, un seul moyen : réunir le plus d'invitations possibles dans les chapelles et assurer le meilleur enchaînement. Mode d'emploi avec les déserteurs de la bande des pêcheurs croisés hier.
PAR ANNE-CHARLOTTE PANNIER
dunkerque@lavoixdunord.fr PHOTOS CHRISTOPHE LEFEBVRE ET JEAN-CHARLES BAYON
À la veille des Trois-Joyeuses, toujours les mêmes questions : alors tu fais la bande ou tu fais chapelle ? Avec fierté, chacun étale les invitations qu'il a reçues pour aller grignoter chez l'un, boire un coup chez l'autre. Les comtesses de Malo et de Rosendaël rencontrées hier, en chapelle justement, font partie de ceux-là : « On se met en route vers midi en général et on ne rentre que vers minuit. » De chapelle en chapelle, elles suivent la bande de très près sans pour autant jamais la rejoindre. « C'est trop violent, on préfère se retrouver chez des gens, c'est toujours convivial. » Oui, mais pas seulement. « Au plus vous connaissez de monde, au plus vous avez de chapelles », expliquent à l'unisson les comtesses. Ne pas faire la bande serait donc presque signe de popularité et de vie mondaine développée ? Bref, ce serait « hype ».
Rencontrés en chapelle justement, Poussin et sa femme Virginie confirment, mais expliquent aussi le phénomène. « À une époque, les chapelles réunissaient les déçus de la bande, les vrais caranavaleux qui déploraient les déviances. Mais depuis deux ou trois ans, les vrais carnavaleux reviennent dans la bande. » Le couple a lui-même décidé que demain (aujourd'hui), il ferait chahut en citadelle. Ce n'était pas arrivé depuis des années !
Appréciées pour leur convivialité, les chapelles ont elles aussi évolué. « À l'origine, quand tu voyais de la lumière, et que tu connaissais vaguement quelqu'un à l'entrée, tu tentais le coup et souvent ça marchait. » Des pratiques qui se font plus rares, tant les chapelles sont convoitées. Des chapelles ouvertes à tous, il en existe encore bien sûr, mais la tendance est quand même à la maîtrise. Les cartons d'invitations se multiplient et certains organisateurs de chapelle vont même jusqu'à réglementer les entrées : c'est ce qu'on appelle dans le jargon les « chapelles-horaires ». « Ça permet de gérer l'affluence », raconte Poussin, compréhensif, qui a une bonne technique pour compléter son carnet de chapelles : mettre en place un genre de partenariat. « Le calcul est simple, en y allant ensemble, on double notre capital chapelle. » Cet engouement pour les chapelles serait-il général ? Pas vraiment. Poussin se souvient, amusé, d'une chapelle qui, même sans invitation, n'avait pas fait le plein l'an dernier. « On sortait d'une chapelle pendant la bande de Malo et une femme nous a suppliés de venir chez elle : "Je n'ai personne à ma chapelle". » Poussin et sa femme, désolés, ne s'étaient pas arrêtés, timing serré des chapelles oblige !
Hier, il y avait aussi ceux qui n'avaient pas vraiment choisi leur camp. La bande a commencé depuis à peine une heure que nous les retrouvons au République, un des rares bistrots du centre-ville qui ouvre encore son établissement et ne se contente pas d'installer des bars extérieurs. Une chapelle de bistrot qui fait du bien et dont finalement ils auront du mal à repartir. L'embuscade est fréquente au carnaval ! « On ne voit pas le temps passer » et finalement quand ils décident de partir, « on a perdu la bande », témoignent Jean-Luc et ses copains croisés eux chez Marie-Paule et Jean-Jacques.
Déserteurs ou non, les masquelours se sont finalement retrouvés pour les deux incontournables de la bande : le jet de harengs et le rigodon final. Une façon de communier avec les autres, avant évidemment de vite retourner dans une chapelle. « On en a une super cette année, avec soupe à l'oignon », se réjouit déjà ce carnavaleux. Et vu son état de fatigue, ce sera sans doute la dernière... •